Constitution des classes de parties affectées et communauté d'intérêt : d'une approche théorique à l'épreuve pratique
Issues de l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 transposant la directive (UE) n° 2019/1023 du 20 juin 2019, les classes de parties affectées remettent profondément en cause la conception des plans de sauvegarde ou de redressement judiciaire. Critère central de constitution des classes de parties affectées, la notion de communauté d’intérêt économique suffisante suscite autant d’interrogations théoriques que de difficultés pratiques.
1. Innovation de la loi de sauvegarde, destinée à redonner aux créanciers une forme de pouvoir collectif, les comités de créanciers ont essuyé nombre de critiques1. Prétendument inspiré du droit des États-Unis, le système mis en place fonctionnait en réalité sur des bases très différentes, privilégiant une approche figée – les comités de créanciers et l’assemblée unique des obligataires faisant figure de classes prédéterminées – quand le droit des États-Unis se veut pragmatique, faisant de l’existence d’intérêts substantiellement similaires le socle du système.
2. Les comités de créanciers étaient constitués à raison de la qualité du créancier plus que des créances détenues, si bien qu’un même comité ou l’assemblée unique des obligataires pouvaient rassembler en leurs seins des protagonistes placés dans des situations extrêmement différentes. Un établissement de crédit titulaire d’une créance chirographaire pouvait ainsi,[...]
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Sur les nombreuses difficultés rencontrées, v. not. E. Scholastique et G. Brémond, « Réflexions sur la composition des comités de créanciers dans les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaires », JCP E 2006, 1405 ; R. Dammann et G. Podeur, « Les enjeux de la réforme des comités de créanciers », JCP E 2009, 2094 ; G. Couturier, « Les créanciers et la sauvegarde financière de l’entreprise en difficulté », BJS juill. 2010, n° 144, p. 683 ; J.-P. Farges, « Complexité dans l’organisation et la constitution des comités de créanciers : le cas d’école de la sauvegarde de CGG », BJE juill. 2018, n° BJE116c0.
T. com. Nanterre, 17 févr. 2010, n° 2008F04403 : D. 2010, AJ, p. 500, obs. A. Lienhard ; BJS juin 2010, n° 125, p. 604, note N. Borga ; P.-M. Le Corre, « Porteurs de titres super-subordonnés et élaboration des plans de sauvegarde ou de redressement avec comités », D. 2010, p. 849 ; B. Grelon, « L’affaire Thomson : la loi à l’épreuve de la finance », Rev. sociétés 2010, p. 244.
V., en particulier, le guide législatif de la CNUDCI sur le droit de l’insolvabilité : https://lext.so/zEUPuS.
PE et Cons. UE, dir. n° 2019/1023, 20 juin 2019, art. 9, cons. 44.
US Code, § 1122, (a). En droit anglais, v. Re Virgin Atlantic Airways Ltd [2020] EWHC 2191 (Ch), § 41. Pour une approche comparée, v. not. T. Gagnepain, T. Jomier et A.-S. Diederichs, « La constitution des classes de parties affectées : premiers retours d’application en France à la lumière des expériences américaines et anglaises », Rev. proc. coll. 2023, étude 4 ; E. Lacroix, « La “communauté d’intérêt suffisante” ou le nœud gordien de la constitution des classes de créanciers », BJE sept. 2021, n° BJE200c7.
C. com., art. L. 626-30. L’article 9, § 4, de la directive évoque, de manière quelque peu différente, une répartition en classes distinctes des « créanciers garantis et non garantis ».
Cons. 58 de la directive.
Ce qui devrait profiter à l’AGS, la Cour de cassation ne semblant pas encline à entendre trop largement la catégorie des droits exclusivement attachés à la personne du salarié, v. Cass. com., 17 janv. 2024, n° 23-12283.
F. Pérochon et a., Entreprises en difficulté, 11e éd., 2022, LGDJ, nos 1520, 1539 et 1543, EAN : 9782275045320 ; L.-C. Henry, « D’une procédure collective à une procédure modulable », in Mélanges en l’honneur du professeur Arlette Martin-Serf, 2022, Bruylant, p. 441, nos 12 et s.
CA Versailles, 13e ch., 14 mars 2023, n° 23/00519, Horizon Steglitz.
C. com., art. L. 626-30, III.
PE et Cons. UE, dir. n° 2019/1023, 20 juin 2019, art. 8, § 1, c – PE et Cons. UE, dir. n° 2019/1023, 20 juin 2019, art. 9, § 6 – PE et Cons. UE, dir. n° 2019/1023, 20 juin 2019, art. 10, § 1, a – PE et Cons. UE, dir. n° 2019/1023, 20 juin 2019, art. 11, § 1, d.
Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du Code de commerce : JO, 16 sept. 2021.
C. com., art. L. 626-30-2, al. 2.
F. Abitbol et a., « L’institution de classes de parties affectées », JCP E 2021, 1527, spéc. n° 10.
V. ainsi F. Pérochon et a., Entreprises en difficulté, 11e éd., 2022, LGDJ, nos 1550 et s., EAN : 9782275045320 ; D. 2021, p. 1931, obs. R. Dammann et T. Bos.
V. not. R. Dammann, « La redistribution des cartes du droit de la restructuration : les enseignements précieux à retenir du dossier ORPEA », D. 2023, p. 1601.
V. également en ce sens, D. Robine et a., « L’institution de classes de parties affectées », JCP E 2021, 1527, spéc. n° 12.
PE et Cons. UE, dir. n° 2019/1023, 20 juin 2019, art. 9, § 4.
T. com. Paris, 2e ch., 29 juill. 2022, n° 2022028115.
CA Versailles, 13e ch., 22 juin 2023, n° 23/03276 : BJS nov. 2023, n° BJS202l0, note N. Borga ; Rev. sociétés 2023, p. 623, note N. Morelli.
Ce texte ne distinguant pas selon que le plan a été adopté selon un processus classique ou à la suite d’une réunion des classes de parties affectées.
C. com., art. L. 626-30, I, 2°.
Sur la nécessité d’une transposition conforme sur ce point, v. R. Dalmau, « Doit-on placer les porteurs de VMDAC dans des classes de parties affectées de “détenteurs de capital” ? » BJS juin 2023, n° BJS202c9.
G. Podeur, « Les obligataires et les classes de parties affectées », D. 2022, p. 1056 ; H. Le Nabasque, « Les classes de “détenteurs de capital” et le droit des sociétés en difficulté », BJS mai 2023, n° BJS202a6 ; comp. C. Gralitzer, « La consultation des porteurs d’obligations donnant accès au capital au sein des classes de parties affectées », BJS juill. 2023, n° BJS202e7.
BJS mai 2023, n° BJS202a6, note H. Le Nabasque, citant en ce sens Cass. com., 7 mai 2019, n° 17-15905, BJS sept. 2019, n° BJS119z5, note A. Reygrobellet.
Voire on ne saurait exclure que des créances bancaires et obligataires chirographaires soient intégrées à une même classe.
V. not. T. com. Lille-Métropole, 1er août 2022, n° 2022012570, Arc Holding.
V. not. R. Dumont, Les devoirs de l’actionnaire, t. 28, 2022, LGDJ, Bibliothèque de droit des entreprises en difficulté, préf. B. Fages, n° 255 ; contra T. Duchesne, La responsabilité pour faute de l’actionnaire, t. 636, 2023, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, préf. A. Gaudemet, nos 547 et s.
CA Paris, 5-7, 9 nov. 2023, n° 23/09249 : BJS déc. 2023, n° BJS202o7, note H. Le Nabasque.
T. Duchesne, La responsabilité pour faute de l’actionnaire, t. 636, 2023, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, préf. A. Gaudemet, nos 547 et s.
CA Paris, 5-7, 9 nov. 2023, n° 23/09249, § 286 : BJS déc. 2023, n° BJS202o7, note H. Le Nabasque.
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Plan
- 1La directive restructuration – Université Paris-Panthéon-Assas, 22 juin 2023
- 1.1Constitution des classes de parties affectées et communauté d’intérêt : d’une approche théorique à l’épreuve pratique
- 1.2Le couple conciliation-sauvegarde accélérée, nouvelles pratiques, nouveaux liens ?